Chapitre 1 : La vague Il rouvrit les yeux et s’observa dans le rétroviseur intérieur, se reconnaissant à peine. Ses grands yeux bleus semblaient perdus à mille lieux, tandis que, dans son esprit, les images des dernières minutes se reconstruisaient progressivement. L’autoroute... Le crissement des pneus.. La peur... La vague... Le silence. Petit à petit, les images devinrent plus nettes. Ils roulaient sur l’autoroute. Ses parents l’amenaient au centre, le fameux centre qui devait régler tous ses problèmes. Là où il se ferait des amis, là où il n’aurait plus peur de tout... Sam s’était renfrogné sur la banquette arrière, pas plus convaincu par l’idée qu’un mois plus tôt, quand sa psy l’avait évoquée. Puis, d’un coup, sa mère avait écrasé la pédale de frein. Les pneus avaient crissé, et ils s’étaient immobilisée. Devant eux, une longue file de voitures à l’arrêt. Les gens étaient sortis des véhicules, et observaient l’horizon. Sa mère avait ouvert la portière pour sortir à son tour, et s’était faite bousculer par un homme qui courrait, terrorisé. L’homme fut bientôt suivi par d’autres, puis par toute une foule qui fuyait une chose que Sam ne pouvait pas encore voir. Il avait ressenti la tension soudainement monter chez ses parents, et le stress avait commencé à s’emparer de lui. Et, quand enfin il la vit, le stress devint terreur. La vague. Un immense tsunami vert, qui s’étendait à perte de vue à gauche et à droite, et déferlait sur eux à toute vitesse. Sa mère rentra dans la voiture, tenta de remettre le contact, mais ses mains tremblantes ne parvinrent qu’à faire tomber la clé sous les pédales. La vague arrivait. Son père se tourna vers lui pour lui prendre la main, ouvrit la bouche pour parler. Trop tard. La vague était sur eux. Et puis le silence. Le sentiment de flotter dans le vide. Presque en paix. Sam passa sa main dans ses cheveux blonds, plus courts qu’il ne les croyait. Il remarqua, à son poignet, un bracelet argenté, qu’il était presque certain de ne pas avoir mis ce matin. Il se pencha vers les sièges avant, vides. Voulu appeler ses parents. Mais il lui suffisait de regarder autour de lui pour comprendre qu’il n’y aurait personne pour lui répondre. Il détacha sa ceinture, ouvrit la portière, et descendit sur le bitume. Le bruit des moteurs, les klaxons, les cris avaient laissé place à un silence inquiétant. Sam jeta un coup d’œil alentour. Personne. Sans que cela ne le surprenne vraiment, il se sentit presque soulagé à l’idée d’être enfin seul. Il prit une profonde inspiration, contempla le spectacle unique qui s’offrait à lui. Aussi loin que son regard portait, deux files de voitures parallèles, toutes de travers, deux serpents de métal toutes portières ouvertes. Plus de foule, plus de terreur. Il glissa ses mains dans ses poches et sentit comme un poids à sa hanche. Surpris, il ouvrit du bout des doigts un étui accroché à une boucle de ceinture. Dedans, un pistolet. Ça, pour le coup, il était vraiment certain qu’il ne l’avait pas il y a cinq minutes. C’était même la première fois qu’il tenait une arme. Il la soupesa, circonspect, puis la rangea dans son étui. Les questions se multipliaient dans sa tête, et il n’avait pas la moindre idée d’où trouver des réponses. Mais il y avait peu de chances pour que ce soit sur cette autoroute déserte. Il claqua sa portière, jeta un dernier coup d’œil aux places sur lesquelles se tenaient encore ses parents quelques secondes plus tôt. Loin, très loin, un cri retentit.